POVI #1

Performance de poésie visuelle créée dans le cadre du Free Art Sunday 2016 à Genève.

Texte:

L’ombre de sa main grandit. Elle s’approche. Vers moi ; plus de doute possible.
Poignet fin et doigts gracieux, elle se mouve dans toute l’implacable certitude du devenir. Vers moi, elle vient. Me voilà contraint de le répéter, comme si cette litanie pouvait adoucir le choc.
Elle m’effleure, glacée. Je le savais, mais comme chaque fois, toutes mes cellules se rétractent. Révulsées par l’affreuse nécessité. Celle de l’affrontement. La nuit revient, il me faut la traverser. De bout en bout. Sans lumière, sans repères.
Pourquoi ces incessants coups de butoir ? La simplicité me fuit, je la chasse. Toujours. Présente ou pas ; aveuglé par mes complications congénitales. Tourner en rond, paniquer, s’enfoncer et s’étouffer. Tout en sachant. Ridicule reflet d’une lueur soufflée ; là réside la mutilation devenue purulente.
Attendre en affrontant, est-ce ceci la clé ? Essuyer les coups, fléchir sous la tourmente. Une tourmente créée de toute pièce, gonflée dans les limbes de l’inconscient, où l’ego prend forme, liant lie et magie génétique. Le besoin ne se distingue plus du devoir et cette masse amasse mes peurs.
La tête me tourne, vertiges ; j’aimerais l’éteindre ; elle hurle, hors de contrôle, je me soumets aux ordres. Découragement, je coule à pic. C’est le plan de jeu – mais où est ce sourire, simple et spontané – atteindre la butée. La blesser et pourquoi pas la briser, aller outre, caresser la dissolution complète et revenir. C’est l’idée, mais comment être de taille ; fournissez-moi une arme à feu ; revolver, unique interrupteur – je ne suis pas de taille. Pas de taille.
S’abandonner aux cahotements, s’en nourrir, pour alourdir la chute. La culpabilité est acidulée, j’en salive, m’en délecte ; appétit boulimique en quête de l’indigestion salvatrice. S’agripper comme un mort de faim à ces contradictions me maintien dans un coma artificiel de pragmatisme. Mort-vivant ne rêvant que de trépas ; en finir, bâcler l’histoire pour sombrer dans un tendre oubli. La chaleur réconfortante du foyer qui brûle, mais soulage.
Puis une hybridation d’amour propre et de responsabilité affective contracte mes nerfs. Elle ne se distingue qu’à peine, usés et élimés qu’ils sont ; le point de rupture s’est installé dans ses lois ésotériques, propres à un ordre exfiltré de l’ungrund. Il me faut m’extraire de ces brumes, tant confortables de douleurs soient-elles. Je ne peux lui faire ça, elle compte sur moi… d’ailleurs elle ne sait même pas. Et elle ne l’aime pas celui-là. Renouer avec la légèreté, n’être que là. Enterrer les peurs ; non pas les oublier mais les laisser tomber. Du moins le temps de quelques inspirations ; puis expirer ; un court instant ; s’extruder muni des fondamentaux. Un deux, un deux ; suffisant. S’en complaire, sans schémas parasites. Donne-toi la permission, pour elle ; eux ; vous.
Et attends la prochaine, sans crainte et tremblement ; saturé d’insouciance.

Pages de livre détachées, peinture acrylique, bande adhésive

© Antón de Macedo – 2016